Quand j'étais jeune, mon père travaillait comme ouvrier dans la construction, tandis que ma mère restait à la maison pour s'occuper de ses enfants. Elle est toujours en vie et a récemment trouvé un emploi dans les cuisines d'un hôpital local. La situation politique entre la Palestine et Israël est tendue et de nombreuses personnes sont sans emploi, y compris mon mari Mukhleis. La vie n'est pas facile.
En 1948, les gens de notre village, Beit Gibreen, ont été forcés de quitter leurs maisons par ceux qui cherchaient à créer l'Etat d'Israël. C'est à cette époque que nos familles sont venues ici et ont commencé à vivre comme des réfugiés, dans des tentes. Nous n'avons jamais pu retourner dans notre village, même aujourd'hui, nous en sommes bannis, nous ne pouvons pas y retourner. Dans les années 50, les Nations Unies sont venues et ont construit des maisons ici, une maison par famille. Ils nous ont officiellement donné le nom de Camp Beit Gibreen, en mémoire du village que nous avions laissé derrière nous. En 1967, Israël a occupé la Rive Ouest. Nous vivons toujours sous cette occupation. Quand nous allons faire nos cartes d'identité, les autorités israéliennes refusent de reconnaître le camp comme Camp Beit Gibreen. Ils ne le reconnaissent que sous le nom de Camp d'Al'Azzah, du nom de la famille la plus importante de notre village.
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6h00: Je me réveille et je commence immédiatement à m'occuper des garçons, veillant à ce qu'ils s'habillent, mangent bien et qu'ils aient fini leurs devoirs. Dans l'heure qui suit, ils partent pour l'école. Je peux allumer la télévision pour regarder les informations, parce que j'aime me tenir au courant de ce qui se passe. Je pense beaucoup à la situation politique. Cela me rend très triste et stressée. Aujourd'hui, je m'intéresse à la situation au sein de notre gouvernement et je suis particulièrement inquiète pour les gens de Gaza. Je ne m'inquiète pas trop pour Bethlehem, parce que je pense que c'est une ville sainte. Les gens y sont très gentils, alors peut-être que rien de mal n'y arrivera.
8h00: Je commence le ménage, la vaisselle, la lessive et je m'occupe de mes deux plus jeunes enfants. J'ai une fille et trois fils. Je fais de grands rêves pour mes enfants. De grands espoirs. La vie est plus facile pour moi qu'elle ne l'était pour ma mère, parce que tant de choses me sont plus facilement accessibles, comme les couches pour mes enfants. Mais la situation politique est beaucoup plus difficile maintenant qu'elle ne l'était à l'époque. Avant, les gens pouvaient entrer dans Jérusalem sans permission; aujourd'hui ce n'est plus possible.
10h00: Je fais du café pour mon mari. C'est un homme bon, mais il n'y a pas de travail pour lui. J'espère qu'il va trouver du travail. De nos jours, beaucoup de Palestiniennes trouvent un moyen de subvenir aux besoins de leur famille quand leur mari perd son emploi. Pour ce faire, certaines femmes font de la broderie palestinienne traditionnelle qui est ensuite vendue dans d'autres pays ou aux touristes de passage.
12h00: Je commence à préparer le déjeuner parce que les garçons vont revenir de l'école dans l'après-midi. En général, nous mangeons du riz avec du poulet, des légumes et du yaourt. J'espère que mes garçons travaillent bien à l'école et qu'un jour ils pourront aller à l'université. J'espère qu'en grandissant ma fille aura une bonne personnalité, une bonne éducation, une bonne opportunité d'emploi et qu'elle épousera un homme bien et aura des enfants. J'espère que notre situation politique va s'améliorer et que nous pourrons avoir une vie normale.
14h00: Quand les garçons rentrent de l'école, nous mangeons ensemble, en famille. La famille est très importante. Ici dans le camp, nos familles sont nos voisins. Et c'est bien, parce que je peux rendre visite à ma mère tous les jours pour l'aider chez elle.
16h00: Mes garçons commencent à étudier. S'ils ont besoin d'aide pour leurs devoirs, je les aide. Je me souviens quand j'avais leur âge ...c'était la dernière fois où j'ai visité notre village, Beit Gibreen. Je me souviens de l'herbe haute et des nombreux oliviers qui y poussaient. Les maisons semblaient très vieilles et il y avait même des églises qui dataient de l'époque romaine, même si c'était un village musulman. Personne n'y vit plus maintenant. J'espère qu'un jour mes enfants y retourneront. J'espère, mais je ne pense pas que ce sera possible.
18h00: Je descends la rue pour rendre visite à ma mère et à ma sœur. J'aide ma mère dans ses corvées ménagères. Mes enfants jouent dehors. Parfois, je m'inquiète pour leur sécurité. Parfois des soldats israéliens entrent dans le camp en jeep et cherchent des hommes. Parfois ils tirent des gaz lacrymogènes. Je dois emmener mon bébé dans la pièce à l'arrière, mais même comme ça, je n'ai pas l'impression qu'il est en sécurité.
20h00: Tout le monde est rentré à la maison maintenant et les grands se préparent pour aller au lit vers 21h. Ma fille aime regarder Tom et Jerry à la télévision. Souvent nous avons la visite de membres de la famille. Quand c'est le cas, nous buvons du café ou du thé. Les invités sont toujours bienvenus chez nous.
22h00: A ce moment, les grands sont endormis, mais les deux petits sont encore debout. Nous cherchons un bon film étranger à regarder à la télévision. Si les enfants s'endorment, je peux aller me coucher à 23h30 et me reposer avant qu'une nouvelle journée commence.